La monnaie ne sert donc pas seulement à indiquer le prix des choses, elle exprime et reconduit dans tout échange économique un rapport de justice entre ceux qui échangent, sur la base de la valeur fondamentale à laquelle une cité s’ordonne et qui fait la matière de la philia unissant ses membres. En retour, l’échange contribue à stabiliser le pouvoir d’évaluation de la monnaie, en entérinant la confiance en sa valeur, en stabilisant son rôle de moyen terme, et en perpétuant les valeurs fondamentales de la cité. C’est en ce sens que la monnaie contribue à la cohésion de la communauté civique : la justice qu’elle déploie n’est pas simplement celle qui s’exprime pour l’acheteur dans un prix acceptable, elle est surtout celle qui, sous ce phénomène de surface, reconduit et fortifie la réciprocité en consolidant chaque fois un peu plus un instrument de mesure à l’œuvre dans les échanges les plus ordinaires, les plus indispensables et les plus fréquents sur l’agora. Le juste prix est en fait le prix de la justice dans une société donnée. Une question demeure néanmoins : la monnaie n’étant qu’une convention, par définition susceptible de changer, à quel étalon fixe, à quel critère ultime s’adosse-t-elle pour que la commensurabilité généralisée qu’elle autorise soit vraiment stable ?